Jules Verne
voyage au centre de la terre
(Chapitre XXI-XXV)
vignettes par Riou
Bibliothèque d’Éducation et de Récréation
J. Hetzel et Cie
© Andrzej Zydorczak
e lendemain, le départ eut lieu de grand matin. Il fallait se hâter. Nous étions à cinq jours de marche du carrefour.
Je ne m’appesantirai pas sur les souffrances de notre retour. Mon oncle les supporta avec la colère d’un homme qui ne se sent pas le plus fort; Hans avec la résignation de sa nature pacifique; moi, je l’avoue, me plaignant et me désespérant; je ne pouvais avoir de cœur contre cette mauvaise fortune.
Ainsi que je l’avais prévu, l’eau fit tout à fait défaut à la fin du premier jour de marche. Notre provision liquide se réduisit alors à du genièvre, mais cette infernale liqueur brûlait le gosier, et je ne pouvais même en supporter la vue. Je trouvais la température étouffante. La fatigue me paralysait. Plus d’une fois, je faillis tomber sans mouvement. On faisait halte alors; mon oncle ou l’Islandais me réconfortaient de leur mieux. Mais je voyais déjà que le premier réagissait péniblement contre l’extrême fatigue et les tortures nées de la privation d’eau.
Enfin, le mardi 7 juillet, en nous traînant sur les genoux, sur les mains, nous arrivâmes à demi morts au point de jonction des deux galeries. Là je demeurai comme une masse inerte, étendu sur le sol de lave. Il était dix heures du matin.
Hans et mon oncle, accotés à la paroi, essayèrent de grignoter quelques morceaux de biscuit. De longs gémissements s’échappaient de mes lèvres tuméfiées. Je tombai dans un profond assoupissement.
Au bout de quelque temps, mon oncle s’approcha de moi et me souleva entre ses bras:
«Pauvre enfant!» murmura-t-il avec un véritable accent de pitié.
Je fus touché de ces paroles, n’étant pas habitué aux tendresses du farouche professeur. Je saisis ses mains frémissantes dans les miennes. Il se laissa faire en me regardant. Ses yeux étaient humides.
Je le vis alors prendre la gourde suspendue à son côté. A ma grande stupéfaction, il l’approcha de mes lèvres:
«Bois», fit-il.
Avais-je bien entendu? Mon oncle était-il fou? Je le regardais d’un air hébété. Je ne voulais pas le comprendre.
«Bois», reprit-il.
Et relevant sa gourde, il la vida tout entière entre mes lèvres.
Oh! jouissance infinie! Une gorgée d’eau vint humecter ma bouche en feu, une seule, mais elle suffit à rappeler en moi la vie qui s’échappait.
Je remerciai mon oncle en joignant les mains.
«Oui, fit-il, une gorgée d’eau! la dernière! entends-tu bien? la dernière! Je l’avais précieusement gardée au fond de ma gourde. Vingt fois, cent fois, j’ai dû résister à mon effrayant désir de la boire. Mais non, Axel, je la réservais pour toi.
– Mon oncle! murmurai-je pendant que de grosses larmes mouillaient mes yeux.
– Oui, pauvre enfant, je savais qu’à ton arrivée à ce carrefour, tu tomberais à demi mort, et j’ai conservé mes dernières gouttes d’eau pour te ranimer.
– Merci! merci!» m’écriai-je.
Si peu que ma soif fût apaisée, j’avais cependant retrouvé quelque force. Les muscles de mon gosier, contractés jusqu’alors, se détendaient, et l’inflammation de mes lèvres s’était adoucie. Je pouvais parler.
«Voyons, dis-je, nous n’avons maintenant qu’un parti à prendre; l’eau nous manque; il faut revenir sur nos pas.»
Pendant que je parlais ainsi, mon oncle évitait de me regarder; il baissait la tête; ses yeux fuyaient les miens.
«Il faut revenir, m’écriai-je, et reprendre le chemin du Sneffels. Que Dieu nous donne la force de remonter jusqu’au sommet du cratère!
– Revenir! fit mon oncle, comme s’il répondait plutôt à lui qu’à moi-même.
– Oui, revenir, et sans perdre un instant.»
Il y eut ici un moment de silence assez long.
«Ainsi donc, Axel, reprit le professeur d’un ton bizarre, ces quelques gouttes d’eau ne t’ont pas rendu le courage et l’énergie?
– Le courage!
– Je te vois abattu comme avant, et faisant encore entendre des paroles de désespoir!»
A quel homme avais-je affaire et quels projets son esprit audacieux formait-il encore?
«Quoi! vous ne voulez pas?…
– Renoncer à cette expédition, au moment où tout annonce qu’elle peut réussir! Jamais!
– Alors il faut se résigner à périr?
– Non, Axel, non! pars. Je ne veux pas ta mort! Que Hans t’accompagne. Laisse-moi seul!
– Vous abandonner!
– Laisse-moi, te dis-je! J’ai commencé ce voyage; je l’accomplirai jusqu’au bout, ou je n’en reviendrai pas. Va-t’en, Axel, va-t’en!»
Mon oncle parlait avec une extrême surexcitation. Sa voix, un instant attendrie, redevenait dure, menaçante. Il luttait avec une sombre énergie contre l’impossible! Je ne voulais pas l’abandonner au fond de cet abîme, et, d’un autre côté, l’instinct de la conservation me poussait à le fuir.
Le guide suivait cette scène avec son indifférence accoutumée. Il comprenait cependant ce qui se passait entre ses deux compagnons. Nos gestes indiquaient assez la voie différente où chacun de nous essayait d’entraîner l’autre; mais Hans semblait s’intéresser peu à la question dans laquelle son existence se trouvait en jeu, prêt à partir si l’on donnait le signal du départ, prêt à rester à la moindre volonté de son maître.
Que ne pouvais-je en cet instant me faire entendre de lui! Mes paroles, mes gémissements, mon accent auraient eu raison de cette froide nature. Ces dangers que le guide ne paraissait pas soupçonner, je les lui eusse fait comprendre et toucher du doigt. A nous deux nous aurions peut-être convaincu l’entêté professeur. Au besoin, nous l’aurions contraint à regagner les hauteurs du Sneffels!
Je m’approchai de Hans. Je mis ma main sur la sienne. Il ne bougea pas. Je lui montrai la route du cratère. Il demeura immobile. Ma figure haletante disait toutes mes souffrances. L’Islandais remua doucement la tête, et désignant tranquillement mon oncle:
«Master, fit-il.
– Le maître! m’écriai-je, insensé! non, il n’est pas le maître de ta vie! il faut fuir! il faut l’entraîner! m’entends-tu? me comprends-tu?»
J’avais saisi Hans par le bras. Je voulais l’obliger à se lever. Je luttais avec lui. Mon oncle intervint.
«Du calme, Axel, dit-il. Tu n’obtiendras rien de cet impassible serviteur. Ainsi, écoute ce que j’ai à te proposer.»
Je me croisai les bras, en regardant mon oncle bien en face.
«Le manque d’eau, dit-il, met seul obstacle à l’accomplissement de mes projets. Dans cette galerie de l’est, faite de laves, de schistes, de houilles, nous n’avons pas rencontré une seule molécule liquide. Il est possible que nous soyons plus heureux en suivant le tunnel de l’ouest.»
Je secouai la tête avec un air de profonde incrédulité.
«Écoute-moi jusqu’au bout, reprit le professeur en forçant la voix. Pendant que tu gisais ici sans mouvement, j’ai été reconnaître la conformation de cette galerie. Elle s’enfonce directement dans les entrailles du globe, et, en peu d’heures, elle nous conduira au massif granitique. Là, nous devons rencontrer des sources abondantes. La nature de la roche le veut ainsi, et l’instinct est d’accord avec la logique pour appuyer ma conviction. Or, voici ce que j’ai à te proposer. Quand Colomb a demandé trois jours à ses équipages pour trouver les terres nouvelles, ses équipages, malades, épouvantés, ont cependant fait droit à sa demande, et il a découvert le nouveau monde. Moi, le Colomb de ces régions souterraines, je ne te demande qu’un jour encore. Si, ce temps écoulé, je n’ai pas rencontré l’eau qui nous manque, je te le jure, nous reviendrons à la surface de la terre.»
En dépit de mon irritation, je fus ému de ces paroles et de la violence que se faisait mon oncle pour tenir un pareil langage.
«Eh bien! m’écriai-je, qu’il soit fait comme vous le désirez, et que Dieu récompense votre énergie surhumaine. Vous n’avez plus que quelques heures à tenter le sort. En route!»
a descente recommença cette fois par la nouvelle galerie. Hans marchait en avant, selon son habitude. Nous n’avions pas fait cent pas, que le professeur, promenant sa lampe le long des murailles s’écriait:
«Voilà les terrains primitifs! nous sommes dans la bonne voie, marchons! marchons!»
Lorsque la terre se refroidit peu à peu aux premiers jours du monde, la diminution de son volume produisit dans l’écorce des dislocations, des ruptures, des retraits, des fendilles. Le couloir actuel était une fissure de ce genre, par laquelle s’épanchait autrefois le granit éruptif. Ses mille détours formaient un inextricable labyrinthe à travers le sol primordial.
A mesure que nous descendions, la succession des couches composant le terrain primitif apparaissait avec plus de netteté. La science géologique considère ce terrain primitif comme la base de l’écorce minérale, et elle a reconnu qu’il se compose de trois couches différentes, les schistes, les gneiss, les micaschistes, reposant sur cette roche inébranlable qu’on appelle le granit.
Or, jamais minéralogistes ne s’étaient rencontrés dans des circonstances aussi merveilleuses pour étudier la nature sur place. Ce que la sonde, machine inintelligente et brutale, ne pouvait rapporter à la surface du globe de sa texture interne, nous allions l’étudier de nos yeux, le toucher de nos mains.
A travers l’étage des schistes, colorés de belles nuances vertes, serpentaient des filons métalliques de cuivre, de manganèse avec quelques traces de platine et d’or. Je songeais à ces richesses enfouies dans les entrailles du globe et dont l’avide humanité n’aura jamais la jouissance! Ces trésors, les bouleversements des premiers jours les ont enterrés à de telles profondeurs, que ni la pioche, ni le pic ne sauront les arracher à leur tombeau.
Aux schistes succédèrent les gneiss, d’une structure stratiforme, remarquables par la régularité et le parallélisme de leurs feuillets, puis les micaschistes disposés en grandes lamelles rehaussées à l’œil par les scintillations du mica blanc.
La lumière des appareils, répercutée par les petites facettes de la masse rocheuse, croisait ses jets de feu sous tous les angles, et je m’imaginais voyager à travers un diamant creux, dans lequel les rayons se brisaient en mille éblouissements.
Vers six heures, cette fête de la lumière vint à diminuer sensiblement, presque à cesser; les parois prirent une teinte cristallisée, mais sombre; le mica se mélangea plus intimement au feldspath et au quartz, pour former la roche par excellence, la pierre dure entre toutes, celle qui supporte, sans en être écrasée, les quatre étages de terrains du globe. Nous étions murés dans l’immense prison de granit.
Il était huit heures du soir. L’eau manquait toujours. Je souffrais horriblement. Mon oncle marchait en avant. Il ne voulait pas s’arrêter. Il tendait l’oreille pour surprendre les murmures de quelque source. Mais rien!
Cependant mes jambes refusaient de me porter. Je résistais à mes tortures pour ne pas obliger mon oncle à faire halte. C’eût été pour lui le coup du désespoir, car la journée finissait, la dernière qui lui appartînt.
Enfin mes forces m’abandonnèrent. Je poussai un cri et je tombai.
«A moi! je meurs!»
Mon oncle revint sur ses pas. Il me considéra en croisant ses bras; puis ces paroles sourdes sortirent de ses lèvres:
«Tout est fini!»
Un effrayant geste de colère frappa une dernière fois mes regards, et je fermai les yeux.
Lorsque je les rouvris, j’aperçus mes deux compagnons immobiles et roulés dans leur couverture. Dormaient-ils? Pour mon compte, je ne pouvais trouver un instant de sommeil. Je souffrais trop, et surtout de la pensée que mon mal devait être sans remède. Les dernières paroles de mon oncle retentissaient dans mon oreille. «Tout était fini!» car dans un pareil état de faiblesse, il ne fallait même plus songer à regagner la surface du globe.
Il y avait une lieue et demie d’écorce terrestre! Il me semblait que cette masse pesait de tout son poids sur mes épaules. Je me sentais écrasé, et je m’épuisais en efforts violents pour me retourner sur ma couche de granit.
Quelques heures se passèrent. Un silence profond régnait autour de nous, un silence de tombeau. Rien n’arrivait à travers ces murailles dont la plus mince mesurait cinq milles d’épaisseur.
Cependant, au milieu de mon assoupissement, je crus entendre un bruit. L’obscurité se faisait dans le tunnel. Je regardai plus attentivement, et il me sembla voir l’Islandais qui disparaissait, la lampe à la main.
Pourquoi ce départ? Hans nous abandonnait-il? Mon oncle dormait. Je voulus crier. Ma voix ne put trouver passage entre mes lèvres desséchées. L’obscurité était devenue profonde, et les derniers bruits venaient de s’éteindre.
«Hans nous abandonne! m’écriai-je. Hans! Hans!»
Ces mots, je les criais en moi-même. Ils n’allaient pas plus loin. Cependant, après le premier instant de terreur, j’eus honte de mes soupçons contre un homme dont la conduite n’avait rien eu jusque-là de suspect. Son départ ne pouvait être une fuite. Au lieu de remonter la galerie il la descendait. De mauvais desseins l’eussent entraîné en haut, non en bas. Ce raisonnement me calma un peu, et je revins à un autre ordre d’idées. Hans, cet homme paisible, un motif grave avait pu seul l’arracher à son repos. Allait-il donc à la découverte? Avait-il entendu pendant la nuit silencieuse quelque murmure dont la perception n’était pas arrivée jusqu’à moi?
endant une heure, j’imaginai dans mon cerveau en délire toutes les raisons qui avaient pu faire agir le tranquille chasseur. Les idées les plus absurdes s’enchevêtrèrent dans ma tête. Je crus que j’allais devenir fou!
Mais enfin un bruit de pas se produisit dans les profondeurs du gouffre. Hans remontait. La lumière incertaine commençait à glisser sur les parois, puis elle déboucha par l’orifice du couloir. Hans parut.
Il s’approcha de mon oncle, lui mit la main sur l’épaule et l’éveilla doucement. Mon oncle se leva.
«Qu’est-ce donc? fit-il.
– «Vatten», répondit le chasseur.
Il faut croire que, sous l’inspiration des violentes douleurs, chacun devint polyglotte. Je ne savais pas un seul mot de danois, et cependant je compris d’instinct le mot de notre guide.
«De l’eau! de l’eau! m’écriai-je, battant des mains, gesticulant comme un insensé.
– De l’eau! répétait mon oncle. «Hvar?» demanda-t-il à l’Islandais.
– «Nedat», répondit Hans.
Où? En bas! Je comprenais tout. J’avais saisi les mains du chasseur, et je les pressais, tandis qu’il me regardait avec calme.
Les préparatifs du départ ne furent pas longs, et bientôt nous cheminions dans un couloir dont la pente atteignait deux pieds par toise.
Une heure plus tard, nous avions fait mille toises environ et descendu deux mille pieds.
En ce moment, j’entendis distinctement un son inaccoutumé courir dans les flancs de la muraille granitique, une sorte de mugissement sourd, comme un tonnerre éloigné. Pendant cette première demi-heure de marche, ne rencontrant point la source annoncée, je sentais les angoisses me reprendre; mais alors mon oncle m’apprit l’origine des bruits qui se produisaient.
«Hans ne s’est pas trompé, dit-il, ce que tu entends là, c’est le mugissement d’un torrent.
– Un torrent? m’écriai-je.
– Il n’y a pas à en douter. Un fleuve souterrain circule autour de nous!»
Nous hâtâmes le pas, surexcités par l’espérance. Je ne sentais plus ma fatigue. Ce bruit d’une eau murmurante me rafraîchissait déjà. Il augmentait sensiblement. Le torrent, après s’être longtemps soutenu au-dessus de notre tête, courait maintenant dans la paroi de gauche, mugissant et bondissant. Je passais fréquemment ma main sur le roc, espérant y trouver des traces de suintement ou d’humidité. Mais en vain.
Une demi-heure s’écoula encore. Une demi-lieue fut encore franchie.
Il devint alors évident que le chasseur, pendant son absence, n’avait pu prolonger ses recherches au-delà. Guidé par un instinct particulier aux montagnards, aux hydroscopes, il «sentit» ce torrent à travers le roc, mais certainement il n’avait point vu le précieux liquide; il ne s’y était pas désaltéré.
Bientôt même il fut constant que, si notre marche continuait, nous nous éloignerions du courant dont le murmure tendait à diminuer.
On rebroussa chemin. Hans s’arrêta à l’endroit précis où le torrent semblait être le plus rapproché.
Je m’assis près de la muraille, tandis que les eaux couraient à deux pieds de moi avec une violence extrême. Mais un mur de granit nous en séparait encore.
Sans réfléchir, sans me demander si quelque moyen n’existait pas de se procurer cette eau, je me laissai aller à un premier moment de désespoir.
Hans me regarda, et je crus voir un sourire apparaître sur ses lèvres.
Il se leva et prit la lampe. Je le suivis. Il se dirigea vers la muraille. Je le regardai faire. Il colla son oreille sur la pierre sèche, et la promena lentement en écoutant avec grand soin. Je compris qu’il cherchait le point précis où le torrent se faisait entendre plus bruyamment. Ce point, il le rencontra dans la paroi latérale de gauche, à trois pieds au-dessus du sol.
Combien j’étais ému! Je n’osais deviner ce que voulait faire le chasseur! Mais il fallut bien le comprendre et l’applaudir, et le presser de mes caresses, quand je le vis saisir son pic pour attaquer la roche elle-même.
«Sauvés! m’écriai-je.
– Oui, répétait mon oncle avec frénésie, Hans a raison! Ah! le brave chasseur! Nous n’aurions pas trouvé cela!»
Je le crois bien! Un pareil moyen, quelque simple qu’il fût, ne nous serait pas venu à l’esprit. Rien de plus dangereux que de donner un coup de pioche dans cette charpente du globe. Et si quelque éboulement allait se produire qui nous écraserait! Et si le torrent, se faisant jour à travers le roc, allait nous envahir! Ces dangers n’avaient rien de chimérique; mais alors les craintes d’éboulement ou d’inondation ne pouvaient nous arrêter, et notre soif était si intense que pour l’apaiser nous eussions creusé au lit même de l’Océan.
Hans se mit à ce travail, que ni mon oncle ni moi nous n’eussions accompli. L’impatience emportant notre main, la roche eût volé en éclats sous ses coups précipités. Le guide, au contraire, calme et modéré, usa peu à peu le rocher par une série de petits coups répétés, creusant une ouverture large de six pouces. J’entendais le bruit du torrent s’accroître, et je croyais déjà sentir l’eau bienfaisante rejaillir sur mes lèvres.
Bientôt le pic s’enfonça de deux pieds dans la muraille de granit. Le travail durait depuis plus d’une heure. Je me tordais d’impatience! Mon oncle voulait employer les grands moyens. J’eus de la peine à l’arrêter, et déjà il saisissait son pic, quand soudain un sifflement se fit entendre. Un jet d’eau s’élança de la muraille et vint se briser sur la paroi opposée.
Hans, à demi renversé par le choc, ne put retenir un cri de douleur. Je le compris lorsque, plongeant mes mains dans le jet liquide, je poussai à mon tour une violente exclamation. La source était bouillante.
«De l’eau à cent degrés! m’écriai-je.
– Eh bien, elle refroidira», répondit mon oncle.
Le couloir s’emplissait de vapeurs, tandis qu’un ruisseau se formait et allait se perdre dans les sinuosités souterraines; bientôt nous y puisions notre première gorgée.
Ah! quelle jouissance! Quelle incomparable volupté! Qu’était cette eau? D’où venait-elle? Peu importait. C’était de l’eau, et, quoique chaude encore, elle ramenait au cœur la vie prête à s’échapper. Je buvais sans m’arrêter, sans goûter même.
Ce ne fut qu’après une minute de délectation que je m’écriai:
«Mais c’est de l’eau ferrugineuse!
– Excellente pour l’estomac, répliqua mon oncle, et d’une haute minéralisation! Voilà un voyage qui vaudra celui de Spa ou de Tœplitz!
– Ah! que c’est bon!
– Je le crois bien, une eau puisée à deux lieues sous terre! Elle a un goût d’encre qui n’a rien de désagréable. Une fameuse ressource que Hans nous a procurée là! Aussi je propose dé donner son nom à ce ruisseau salutaire.
– Bien!» m’écriai-je.
Et le nom de «Hans-bach» fut aussitôt adopté.
Hans n’en fut pas plus fier. Après s’être modérément rafraîchi, il s’accota dans un coin avec son calme accoutumé.
«Maintenant, dis-je, il ne faudrait pas laisser perdre cette eau.
– A quoi bon? répondit mon oncle, je soupçonne la source d’être intarissable.
– Qu’importe! remplissons l’outre et les gourdes, puis nous essaierons de boucher l’ouverture.»
Mon conseil fut suivi. Hans, au moyen d’éclats de granit et d’étoupe, essaya d’obstruer l’entaille faite à la paroi. Ce ne fut pas chose facile. On se brûlait les mains sans y parvenir; la pression était trop considérable, et nos efforts demeurèrent infructueux.
«Il est évident, dis-je, que les nappes supérieures de ce cours d’eau sont situées à une grande hauteur, à en juger par la force du jet.
– Cela n’est pas douteux, répliqua mon oncle; il y a là mille atmosphères de pression, si cette colonne d’eau a trente-deux mille pieds de hauteur. Mais il me vient une idée.
– Laquelle?
– Pourquoi nous entêter à boucher cette ouverture?
– Mais, parce que…»
J’aurais été embarrassé de trouver une raison.
«Quand nos gourdes seront vides, sommes-nous assurés de pouvoir les remplir?
– Non, évidemment.
– Eh bien, laissons couler cette eau! Elle descendra naturellement et guidera ceux qu’elle rafraîchira en route!
– Voilà qui est bien imaginé! m’écriai-je, et avec ce ruisseau pour compagnon, il n’y a plus aucune raison pour ne pas réussir dans nos projets.
– Ah! tu y viens, mon garçon, dit le professeur en riant.
– Je fais mieux que d’y venir, j’y suis.
– Un instant! Commençons par prendre quelques heures de repos.»
J’oubliais vraiment qu’il fît nuit. Le chronomètre se chargea de me l’apprendre. Bientôt chacun de nous, suffisamment restauré et rafraîchi, s’endormit d’un profond sommeil.
e lendemain, nous avions déjà oublié nos douleurs passées. Je m’étonnai tout d’abord de n’avoir plus soif, et j’en demandai la raison. Le ruisseau qui coulait à mes pieds en murmurant se chargea de me répondre.
On déjeuna et l’on but de cette excellente eau ferrugineuse. Je me sentais tout ragaillardi et décidé à aller plus loin. Pourquoi un homme convaincu comme mon oncle ne réussirait-il pas, avec un guide industrieux comme Hans, et un neveu «déterminé» comme moi? Voilà les belles idées qui se glissaient dans mon cerveau! On m’eût proposé de remonter à la cime du Sneffels, que j’aurais refusé avec indignation.
Mais il n’était heureusement question que de descendre.
«Partons!» m’écriai-je, éveillant par mes accents enthousiastes les vieux échos du globe.
La marche fut reprise le jeudi à huit heures du matin. Le couloir de granit, se contournant en sinueux détours, présentait des coudes inattendus, et affectait l’imbroglio d’un labyrinthe; mais, en somme, sa direction principale était toujours le sud-est. Mon oncle ne cessait de consulter avec le plus grand soin sa boussole, pour se rendre compte du chemin parcouru.
La galerie s’enfonçait presque horizontalement, avec deux pouces de pente par toise, tout au plus. Le ruisseau coulait sans précipitation en murmurant sous nos pieds. Je le comparais à quelque génie familier qui nous guidait à travers la terre, et de la main je caressais la tiède naïade dont les chants accompagnaient nos pas. Ma bonne humeur prenait volontiers une tournure mythologique.
Quant à mon oncle, il pestait contre l’horizontalité de la route, lui, «l’homme des verticales». Son chemin s’allongeait indéfiniment, et au lieu de glisser le long du rayon terrestre, suivant son expression, il s’en allait par l’hypoténuse. Mais nous n’avions pas le choix, et tant que l’on gagnait vers le centre, si peu que ce fût, il ne fallait pas se plaindre.
D’ailleurs, de temps en temps, les pentes s’abaissaient; la naïade se mettait à dégringoler en mugissant, et nous descendions plus profondément avec elle.
En somme, ce jour-là et le lendemain, on fit beaucoup de chemin horizontal, et relativement peu de chemin vertical.
Le vendredi soir, 10 juillet, d’après l’estime, nous devions être à trente lieues au sud-est de Reykjawik et à une profondeur de deux lieues et demie.
Sous nos pieds s’ouvrit alors un puits assez effrayant. Mon oncle ne put s’empêcher de battre des mains en calculant la roideur de ses pentes.
«Voilà qui nous mènera loin, s’écria-t-il, et facilement, car les saillies du roc font un véritable escalier!»
Les cordes furent disposées par Hans de manière à prévenir tout accident. La descente commença. Je n’ose l’appeler périlleuse, car j’étais déjà familiarisé avec ce genre d’exercice.
Ce puits était une fente étroite pratiquée dans le massif, du genre de celles qu’on appelle «faille». La contraction de la charpente terrestre, à l’époque de son refroidissement, l’avait évidemment produite. Si elle servit autrefois de passage aux matières éruptives vomies par le Sneffels, je ne m’expliquais pas comment celles-ci n’y laissèrent aucune trace. Nous descendions une sorte de vis tournante qu’on eût crue faite de la main des hommes.
De quart d’heure en quart d’heure, il fallait s’arrêter pour prendre un repos nécessaire et rendre à nos jarrets leur élasticité. On s’asseyait alors sur quelque saillie, les jambes pendantes, on causait en mangeant, et l’on se désaltérait au ruisseau.
Il va sans dire que, dans cette faille, le Hans-bach s’était fait cascade au détriment de son volume; mais il suffisait et au-delà à étancher notre soif. d’ailleurs, avec les déclivités moins accusées, il ne pouvait manquer de reprendre son cours paisible. En ce moment, il me rappelait mon digne oncle, ses impatiences et ses colères, tandis que, par les pentes adoucies, c’était le calme du chasseur islandais.
Le 11 et le 12 juillet, nous suivîmes les spirales de cette faille, pénétrant encore de deux lieues dans l’écorce terrestre, ce qui faisait près de cinq lieues au-dessous du niveau de la mer. Mais, le 13, vers midi, la faille prit, dans la direction du sud-est, une inclinaison beaucoup plus douce, environ de quarante-cinq degrés.
Le chemin devint alors aisé et d’une parfaite monotonie. Il était difficile qu’il en fût autrement. Le voyage ne pouvait être varié par les incidents du paysage.
Enfin, le mercredi 15, nous étions à sept lieues sous terre et à cinquante lieues environ du Sneffels. Bien que nous fussions un peu fatigués, nos santés se maintenaient dans un état rassurant, et la pharmacie de voyage était encore intacte.
Mon oncle notait heure par heure les indications de la boussole, du chronomètre, du manomètre et du thermomètre, celles-là mêmes qu’il a publiées dans le récit scientifique de son voyage. Il pouvait donc se rendre facilement compte de sa situation. Lorsqu’il m’apprit que nous étions à une distance horizontale de cinquante lieues, je ne pus retenir une exclamation.
«Qu’as-tu donc? demanda-t-il.
– Rien, seulement je fais une réflexion.
– Laquelle, mon garçon?
– C’est que, si vos calculs sont exacts, nous ne sommes plus sous l’Islande.
– Crois-tu?
– Il est facile de nous en assurer.»
Je pris mes mesures au compas sur la carte.
«Je ne me trompais pas, dis-je. Nous avons dépassé le cap Portland, et ces cinquante lieues dans le sud-est nous mettent en pleine mer.
– Sous la pleine mer, répliqua mon oncle en se frottant les mains.
– Ainsi, m’écriai-je, l’Océan s’étend au-dessus de notre tête!
– Bah! Axel, rien de plus naturel! N’y a-t-il pas à Newcastle des mines de charbon qui s’avancent au loin sous les flots?»
Le professeur pouvait trouver cette situation fort simple, mais la pensée de me promener sous la masse des eaux ne laissa pas de me préoccuper. Et cependant, que les plaines et les montagnes de l’Islande fussent suspendues sur notre tête, ou les flots de l’Atlantique, cela différait peu, en somme, du moment que la charpente granitique était solide. Du reste, je m’habituai promptement à cette idée, car le couloir, tantôt droit, tantôt sinueux, capricieux dans ses pentes comme dans ses détours, mais toujours courant au sud-est, et toujours s’enfonçant davantage, nous conduisit rapidement à de grandes profondeurs.
Quatre jours plus tard, le samedi 18 juillet, le soir, nous arrivâmes à une espèce de grotte assez vaste; mon oncle remit à Hans ses trois rixdales hebdomadaires, et il fut décidé que le lendemain serait un jour de repos.
e me réveillai donc, le dimanche matin, sans cette préoccupation habituelle d’un départ immédiat. Et, quoique ce fût au plus profond des abîmes, cela ne laissait pas d’être agréable. D’ailleurs, nous étions faits à cette existence de troglodytes. Je ne pensais guère au soleil, aux étoiles, à la lune, aux arbres, aux maisons, aux villes, à toutes ces superfluités terrestres dont l’être sublunaire s’est fait une nécessité. En notre qualité de fossiles, nous faisions fi de ces inutiles merveilles.
La grotte formait une vaste salle. Sur son sol granitique coulait doucement le ruisseau fidèle. A une pareille distance de sa source, son eau n’avait plus que la température ambiante et se laissait boire sans difficulté.
Après le déjeuner, le professeur voulut consacrer quelques heures à mettre en ordre ses notes quotidiennes.
«D’abord, dit-il, je vais faire des calculs, afin de relever exactement notre situation; je veux pouvoir, au retour, tracer une carte de notre voyage, une sorte de section verticale du globe, qui donnera le profil de l’expédition.
– Ce sera fort curieux, mon oncle; mais vos observations auront-elles un degré suffisant de précision?
– Oui. J’ai noté avec soin les angles et les pentes. Je suis sûr de ne point me tromper. Voyons d’abord où nous sommes. Prends la boussole et observe la direction qu’elle indique.»
Je regardai l’instrument, et, après un examen attentif, je répondis:
«Est-quart-sud-est.
– Bien! fit le professeur, notant l’observation et établissant quelques calculs rapides. J’en conclus que nous avons fait quatre-vingt-cinq lieues depuis notre point de départ.
– Ainsi nous voyageons sous l’Atlantique?
– Parfaitement.
– Et dans ce moment une tempête s’y déchaîne peut-être, et des navires sont secoués sur notre tête par les flots et l’ouragan?
– Cela se peut.
– Et les baleines viennent frapper de leur queue les murailles de notre prison?
– Sois tranquille, Axel, elles ne parviendront pas à l’ébranler. Mais revenons à nos calculs. Nous sommes dans le sud-est, à quatre-vingt-cinq lieues de la base du Sneffels, et, d’après mes notes précédentes, j’estime à seize lieues la profondeur atteinte.
– Seize lieues! m’écriai-je.
– Sans doute.
– Mais c’est l’extrême limite assignée par la science à l’épaisseur de l’écorce terrestre.
– Je ne dis pas non.
– Et ici, suivant la loi de l’accroissement de la température, une chaleur de quinze cents degrés devrait exister.
– «Devrait», mon garçon.
– Et tout ce granit ne pourrait se maintenir à l’état solide et serait en pleine fusion.
– Tu vois qu’il n’en est rien et que les faits, suivant leur habitude, viennent démentir les théories.
– Je suis forcé d’en convenir, mais enfin cela m’étonne.
– Qu’indique le thermomètre?
– Vingt-sept degrés six dixièmes.
– Il s’en manque donc de quatorze cent soixante-quatorze degrés quatre dixièmes que les savants n’aient raison. Donc l’accroissement proportionnel de la température est une erreur. Donc Humphry Davy ne se trompait pas. Donc je n’ai pas eu tort de l’écouter. Qu’as-tu à répondre?
– Rien.»
A la vérité, j’aurais eu beaucoup de choses à dire. Je n’admettais la théorie de Davy en aucune façon, je tenais toujours pour la chaleur centrale, bien que je n’en ressentisse point les effets. J’aimais mieux admettre, en vérité, que cette cheminée d’un volcan éteint, recouverte par les laves d’un enduit réfractaire, ne permettait pas à la température de se propager à travers ses parois.
Mais, sans m’arrêter à chercher des arguments nouveaux, je me bornai à prendre la situation telle qu’elle était.
«Mon oncle, repris-je, je tiens pour exacts tous vos calculs, mais permettez-moi d’en tirer une conséquence rigoureuse.
– Va, mon garçon, à ton aise.
– Au point où nous sommes, sous la latitude de l’Islande, le rayon terrestre est de quinze cent quatre-vingt-trois lieues à peu près?
– Quinze cent quatre-vingt-trois lieues et un tiers.
– Mettons seize cents lieues en chiffres ronds. Sur un voyage de seize cents lieues, nous en avons fait douze?
– Comme tu dis.
– Et cela au prix de quatre-vingt-cinq lieues de diagonale?
– Parfaitement.
– En vingt jours environ?
– En vingt jours.
– Or, seize lieues font le centième du rayon terrestre. A continuer ainsi, nous mettrons donc deux mille jours, ou près de cinq ans et demi à descendre!»
Le professeur ne répondit pas.
«Sans compter que, si une verticale de seize lieues s’achète par une horizontale de quatre-vingts, cela fera huit mille lieues dans le sud-est, et il y aura longtemps que nous serons sortis par un point de la circonférence avant d’en atteindre le centre.
– Au diable tes calculs! répliqua mon oncle avec un mouvement de colère. Au diable tes hypothèses! Sur quoi reposent-elles? Qui te dit que ce couloir ne va pas directement à notre but? D’ailleurs j’ai pour moi un précédent. Ce que je fais là, un autre l’a fait, et où il a réussi je réussirai à mon tour.
– Je l’espère; mais, enfin, il m’est bien permis…
– Il t’est permis de te taire, Axel, quand tu voudras déraisonner de la sorte.»
Je vis bien que le terrible professeur menaçait de reparaître sous la peau de l’oncle, et je me tins pour averti.
«Maintenant, reprit-il, consulte le manomètre. Qu’indique-t-il?
– Une pression considérable.
– Bien. Tu vois qu’en descendant doucement, en nous habituant peu à peu à la densité de cette atmosphère, nous n’en souffrons aucunement.
– Aucunement, sauf quelques douleurs d’oreilles.
– Ce n’est rien, et tu feras disparaître ce malaise en mettant l’air extérieur en communication rapide avec l’air contenu dans tes poumons.
– Parfaitement, répondis-je, bien décidé à ne plus contrarier mon oncle. Il y a même un plaisir véritable à se sentir plongé dans cette atmosphère plus dense. Avez-vous remarqué avec quelle intensité le son s’y propage?
– Sans doute. Un sourd finirait par y entendre à merveille.
– Mais cette densité augmentera sans aucun doute?
– Oui, suivant une loi assez peu déterminée. Il est vrai que l’intensité de la pesanteur diminuera à mesure que nous descendrons. Tu sais que c’est à la surface même de la terre que son action se fait le plus vivement sentir, et qu’au centre du globe les objets ne pèsent plus.
– Je le sais; mais, dites-moi, cet air ne finira-t-il pas par acquérir la densité de l’eau?
– Sans doute, sous une pression de sept cent dix atmosphères.
– Et plus bas?
– Plus bas, cette densité s’accroîtra encore.
– Comment descendrons-nous alors?
– Eh bien, nous mettrons des cailloux dans nos poches.
– Ma foi, mon oncle, vous avez réponse à tout.»
Je n’osai pas aller plus avant dans le champ des hypothèses, car je me serais encore heurté à quelque impossibilité qui eût fait bondir le professeur.
Il était évident, cependant, que l’air, sous une pression qui pouvait atteindre des milliers d’atmosphères, finirait par passer à l’état solide, et alors, en admettant que nos corps eussent résisté, il faudrait s’arrêter, en dépit de tous les raisonnements du monde.
Mais je ne fis pas valoir cet argument. Mon oncle m’aurait encore riposté son éternel Saknussemm, précédent sans valeur, car, en tenant pour avéré le voyage du savant Islandais, il y avait une chose bien simple à répondre:
Au XVIe siècle, ni le baromètre ni le manomètre n’étaient inventés; comment donc Saknussemm avait-il pu déterminer son arrivée au centre du globe?
Mais je gardai cette objection pour moi, et j’attendis les événements.
Le reste de la journée se passa en calculs et en conversation. Je fus toujours de l’avis du professeur Lidenbrock, et j’enviai la parfaite indifférence de Hans, qui, sans tant chercher les effets et les causes, s’en allait aveuglément où le menait la destinée.